jeudi 7 avril 2016

A propos de Constellation, D'Adrien Bosc:demi coup de gueule




En cette nuit du 27 octobre 1949, le vol F-BAZN d'Air France décolle de Paris pour rejoindre New York. A son bord, 48 passagers et membres d'équipages de tous horizons. Le boxeur Marcel Cerdan est sans conteste le plus célèbre des passagers de ce vol. L'amant d'Edith Piaf se rend à New York en vue de tenter de reprendre le titre de champion du monde à Jake la Motta. Parmi les passagers, on trouve pèle-mêle Ginette Neveu, violoniste virtuose, Bernard Boutet de Monvel, peintre renommé, Kay Kamen, un cadre de Disney mais aussi de jeunes basques partant tenter leur chance dans les ranches américains, un jeune fille partie rejoindre sa tante, un homme d'affaire qui retourne aux USA pour annuler son divorce...





L'avion, un Lockheed Constellation , doit faire escale  sur l'île de Santa Maria dans les Açores. Probablement victime d'un problème d'instrument, l'avion s'écrase à 2h51 sur l'île de l'île de São Miguel, à quelques dizaines de kilomètres de la piste d'atterrissage. Il n'y a aucun survivant.
Le titre de ce roman fait autant référence au modèle de l'avion qu'à ses étoiles que l'on a reliées par des lignes imaginaires pour former un ensemble arbitraires . Chaque victime de cette catastrophe aérienne sont autant d'étoiles qui se sont retrouvées dans ce (cette?) constellation.  L'auteur s'intéresse à plusieurs destins. Pourquoi ces personnes se sont retrouvées dans cette avion ?
Marcel Cerdan
Marcel Cerdan devait prendre le bateau, mais pressé par Edith Piaf, il a décidé en dernière minute de prendre l'avion. Bénéficiant d'une place prioritaire, des passagers ont été contraints de laisser leur place au sein de ce vol.
Amélie Ringler était une petite ouvrière bobineuse qui fut soudain appelée par une tante oubliée partie faire fortune aux USA et qui, sans enfant, avait décidé d'en faire son héritière.
Pour Bernard Boutet de Monvel, ce voyage était le dernier. Il devait régler quelques derniers détails avant de se réinstaller définitivement en France.
Jean-Pierre Aduritz et Jean-Louis Arambel faisaient partie d'un groupe de jeunes basques qui partaient travailler dans les ranches.
Autant de destins singuliers qui n'auraient jamais dû que se croiser le temps d'un vol et qui se sont retrouvés liés pour l'éternité.
Ginette Neveu
Mais il y a aussi ceux auraient pu être dans l'avion, comme le luthier Vatelot, qui devait accompagner Ginette Neveu avant que celle-ci ne lui conseille de la rejoindre un peu plus tard. Bien des années plus tard, en 1977,  lors d'une émission du Grand Echiquier de Jacques Chancel, lors d'une séquence étonnante, lui sera remis la volute d'un violon que l'on pense être celui du Guadagnini que Ginette Neveu avait emporté lors de ce voyage. Séquence étonnante et étrange à revoir... non, pas à revoir. A lire, puisque qu'Adrien Bosc en livre une transcription.
Etienne Vatelot, dans le Grand Echiquier
Le moment est émouvant, mais je me suis surpris à ressentir une forme de frustration. Il y a peu, en préparant une note sur l'excellent roman Intérieur Nuit de Marisha Pessl, j'avais découvert que l'auteur avait développé un support multimédia très riche pour accompagner son roman. Grâce à une app, on pouvait accéder à de nombreux documents, iconographie, séquences filmées qui enrichissait la lecture. Pourtant tout ce travail a été complètement ignoré par Gallimard lors de la traduction du roman.
Dans le cas de Constellation, lire cette transcription m' adonné envie de voir la séquence. De saisir tout ce que la transcription ne traduit pas... les petits gestes, les légers silences qui trahissent les silence. Une recherche google m'a permis de trouver l'extrait en question.
Dans le même ordre d'idée, on parle de ce peintre, Bernard Boutet de Monvel, qui était très célèbre en son temps, sans jamais montrer son oeuvre. On nous explique la virtuosité de Ginette Neveu sans nous donner l'occasion de l'écouter. Sans oublier que ce roman se veut très documenter, sans doute à situer dans le roman de non-fiction qu'est De Sang Froid de Truman Capote. je ne doute pas que Adrien Bosc ait amassé une documentation impressionnante pour nourrir son livre.
Pourquoi ne pas la partager ?
Il y a dans le monde francophone une forme de snobisme qui considère que le livre est la seule fin en soi. Le reste est sans importance. A cette époque où nous sommes bombardés par l'information, n'est-il pas temps de faire bon usage de cette information? De ne pas la laisser se dissiper ?
Il suffit de peu de choses.
Un site internet pour rassembler cette masse d'information, de l'organiser.
Puis le connecter au texte.
L'hypertextualité sert à cela. Quelques QR Code à scanner si le coeur nous en dit...
Mais rien de cela.
Dans une note précédente, je parlais de la toute puissance de la maquette qui uniformise les livres pour les faire correspondre  au moule d'un éditeur, d'une collection. J'ai l'impression que cela s'inscrit dans la même logique, d'un livre considéré comme un objet  immuable qui ne peut évoluer.
Parfois, le sujet du livre se prête à un tel exercice. Non pas pour le dénaturer, mais pour l'enrichir.
Mais ce serait remettre en cause une vision quasi dogmatique du Livre.
Le monde de l'édition n'est visiblement pas prête à ce genre d'évolution.


Le memorial aux victimes sur l'Ile de São Miguel


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